L'intérêt général et moi : une mise à l'épreuve de notre démocratie

L'intérêt général mis à l'épreuve

C'est l'histoire d'une expression qui a été progressivement dépossédée de son sens. Deux mots qui sonnent comme le rappel des écrits philosophiques du XVIIIe siècle. L'intérêt général n'est plus. Ou plutôt, il est porté par les seuls citoyens qui doivent s'opposer à la raison d'Etat qui fait passer les intérêts privés pour des projets d'utilité publique.
Julien Milanesi, maître de conférence en économie à Toulouse, et Sophie Metrich, réalisatrice, ont pris la caméra pour documenter les combats citoyens menés dans le cadre des grands projets inutiles.
Si l'A65 et le projet d'aéroport Notre-Dame-des-Landes prennent une place prépondérante dans le documentaire, il n'oublie pas pour autant d'expliquer le dispositif mis en place dans quasiment tous les grands projets ces dernières années, les fameux partenariats public privé (PPP). Actuellement en perte de vitesse, ils ont pourtant eu le temps de gréver les finances publiques de manière durable.
Le film documente la partie financière des projets (l'animation est d'ailleurs très pédagogique), mais n'en reste pas là en interviewant les acteurs des combats, qui ont donc le temps d'exprimer leurs arguments. Les intermèdes dansés viennent faire respirer les spectateurs, tout en révélant les effets sur les sujets de politiques qui les dépossèdent de leur territoire tout en les contraignant durablement.

Comme un rappel, des citations de Sieyès, de de Saint-Simon ou d'autres témoignent des contradictions de la notion d'intérêt général.
Si la rhétorique de l'Etat au sujet des grands projets inutiles met du temps à être déconstruite par les citoyens, c'est aussi, ainsi que le rappellent les réalisateurs, du fait d'un dispositif médiatique en grande partie dépendant des grands groupes qui ont des intérêts à ces projets (concessions, crédits d'impôt, aide de l'Etat - c'est-à-dire des citoyens - si le projet est déficitaire, etc.)
L'intérêt général et moi est donc un documentaire essentiel à voir actuellement au cinéma. Il ne fera pas la Une de votre JT préféré, c'est donc pour ça qu'il faut le voir.

Une question reste cependant : quelle place pour la parole citoyenne dans une démocratie qui ne considère l'expression populaire comme légitime que lors des élections ?



L'un de ces projets en cours est la ligne Charles de Gaulle Express (CDG Express), visant à relier l'aéroport international du Nord de la capitale et la Gare de l'Est dans le Xe arrondissement de Paris. Un projet à 1,4 milliards d'euros pour 22 000 passagers par jour, avec un billet à 24 euros. Le tout avec une fameuse close qui stipule que si les billets ne suffisent pas à rentabiliser le projet, une taxe dédiée sera établie. De l'argent public donc et des crédits d'impôt pour les compagnies aériennes (en substance de l'argent public en moins) quand la ligne sera utilisée peut-être par quelques touristes très argentés. Peut-être parce qu'à ce prix-là les plus aisés choisissent souvent le taxi. Pour plus d'information, rendez-vous sur www.stopcdgexpress.org. La consultation publique prendra fin dès le 12 juillet.

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