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Affichage des articles du 2014

Une invitation à ne pas dévoyer ni pervertir la parole des patients

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Laure Murat, professeure en Californie (UCLA), et auteure de nombreux livres sur la littérature mais aussi sur l’articulation du politique et de la clinique, a publié en 2011 L’homme qui se prenait pour Napoléon. Pour une histoire politique de la folie .  Dans cet ouvrage, elle retrace, à partir des archives des asiles, les dires des patients délirants. Des délires historiques, que les patients et les médecins relient à l’histoire et aux soubresauts politiques du XIX e siècle. Un siècle qui débuterait lors de la Révolution française et s’achèverait lors de la Commune. Dans la quatrième partie de son livre, l’historienne s’interroge sur le "morbus democraticus", la maladie démocratique, émergeant dans les registres lors des épisodes révolutionnaires. D’abord pour noter que ce sont toujours les révolutionnaires qui sont assignés au délire, et jamais les troupes ni le pouvoir politique. Mais aussi pour s’interroger sur le rôle des psychiatres dans la légitimation du pouv

Une voix puissante, des mots choisis : corps utopique ou instant poétique ?

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Michel Foucault en 1966 lit pour la radio « Le corps utopique » et fait de sa réflexion une expérience poétique pour les auditeurs. Retranscrit, le texte conserve sa puissance évocatrice. A lire pour cheminer à son rythme ou à écouter pour se laisser guider par la voix du philosophe. Selon le goût de chacun. « Ce lieu que Proust, doucement, anxieusement, vient occuper de nouveau à chacun de ses réveils, à ce lieu-là, dès que j’ai les yeux ouverts, je ne peux plus échapper. Non pas que je sois, par lui, cloué sur place. Puisqu’après tout, je peux non seulement bouger et remuer. Mais je peux le remuer, le bouger, le changer de place. Seulement voilà : je ne peux pas me déplacer sans lui. Je ne peux pas le laisser là où il est, pour m’en aller, moi, ailleurs. Je peux bien aller au bout du monde, je peux bien me tapir le matin sous mes couvertures, me faire aussi petit que je pourrais. Je veux bien me laisser fondre au soleil sur la plage. Il sera toujours

Archéologie du sujet

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La translatio studiorum , chère aux carolingiens, nous offre un programme. Editer      Traduire        Analyser Alain de Libera s'y frotte et plonge dans l'archéologie du sujet pour comprendre qui pense et quel est le sujet de la pensée. Autrement dit : qui est celui qui pense en moi ? Ca pense en moi, mais ce sujet pensant est-ce moi ? Si je me demande quel est le sujet de la pensée, j'arrive alors à la question fondamentale : qui suis-je ? Editer, traduire, analyser les textes. Faire de même avec sa vie.  Le programme pour ces cours au Collège de France s'annonce dense, c'est aussi celui du sujet parlant. Et le programme de plus d'un. Caroline Bernard - Psychologue clinicienne 66 rue des Grands Champs - 75020 Paris 01 75 50 01 65 - 06 80 66 22 55

Deux jours, une nuit : de la répétition

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Elle s’appelle Sandra. Elle travaille dans une petite entreprise. Le film commence lorsqu’elle s’apprête à retourner au travail après une dépression qui l’a tenue éloignée de son mari, de ses enfants et de son emploi pendant quelque temps. Entre sommeil et Xanax, elle apprend un vendredi soir qu’un vote des salariés a décidé qu’elle ne pourrait pas revenir. Le contremaître ayant fait comprendre qu’il fallait choisir entre la réembauche ou les primes, mais que l’une ne pouvait pas aller avec les autres. La prime de mille euros qui était promise a penché en sa défaveur. Alors, Sandra, soutenue, aidée, aiguillée par son époux va, durant deux jours, rencontrer ses collègues pour les convaincre de voter pour elle le lundi matin quand un nouveau vote aura lieu, comme l’a accepté le patron. Ici, point de collectif : le sujet doit convaincre dans une relative solitude. Dans ces rencontres, dans ces appels, la répétition surgit. Redire une bonne dizaine de fois la même chose. Mais

Michelle Perrot, "Mélancolie ouvrière" : une femme qui en occupe une autre

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Lucie Baud Une femme naît en 1870. Elle vit dans le Dauphiné, mais même Grenoble paraît bien loin vu de Vizille ou Voiron. C’est une soyeuse. Apprentie dès l’âge de 12 ans. A une époque où les journées de travail sont longues, très longues. Les semaines au métier durent 6 jours. Elle se marie à un garde-champêtre, déjà veuf et deux fois plus âgé qu’elle. Ils ont trois enfants, dont deux survivent. L’usine toujours. Puis son époux meurt en 1902. Et les conditions de travail se dégradent. C’est alors la grève à laquelle Lucie Baud participe mais qu’elle contribue aussi à organiser. Représentante syndicale, elle se rend à Reims (dans ce qui fut sûrement le seul voyage de sa vie) non pour y prendre la parole – c’est une femme, la seule de ce congrès – mais pour, par sa présence, marquer l’importance de la grève qu’elle a menée. De déménagements en grèves et nouveaux patrons, un jour de 1906 elle tente de se suicider - chez elle, de trois balles dans la bouche. Laissant

Ida, de l'assignation par un autre

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Ida , ce n’est pas seulement un film en noir et blanc d’une grande qualité graphique. Des scènes dont chaque image est une photographie qui prend le temps de s’imprimer chez le spectateur. Ida , ce n’est pas seulement un film qui parle d’une jeune novice catholique qui s’apprête à prononcer ses vœux. Ida , ce n’est pas seulement un film sur la Pologne des années 1960 aux prises avec la mémoire de la Seconde Guerre mondiale. Si vous n’avez pas vu ce film et que vous souhaitez le voir, ce n’est pas le moment de lire ce qui suit. Ida , c’est aussi un film qui parle de l’assignation du sujet par un autre. L’autre ici ce sont ses parents, qui la font naître juive dans un petit village de Pologne pendant la guerre. Mais c’est aussi le couvent dans lequel elle grandit, qui la fait devenir novice, une moniale sur le point de prononcer ses vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance. C’est encore sa tante qu’elle ren