Une enfance ailleurs en venant d'ici, ou l'inverse

 Comment se raconte une enfance en dessins ?

Brigitte Findakly et Riad Sattouf ont choisi ces dernières années de raconter leur enfance en bande dessinée. Brigitte Findakly l'a fait avec Lewis Trondheim à propos de sa jeunesse en Irak et Riad Sattouf a déjà fait paraître 3 tomes couvrant les années 1978 à 1987 en Syrie.

De ces albums ressortent des portraits d'enfance dans une famille dont la mère est Française et le père Arabe, Syrien pour l'aîné Riad et Irakien pour Brigitte la cadette. En Irak, Brigitte naît dans une famille catholique par sa mère et orthodoxe par son père. En Syrie, Riad est élevé par sa mère athée et son père sunnite.

Ces récits traduisent des atmosphères très différentes. C'est la joie et l'insouciance qui prédominent dans Les coquelicots d'Irak alors que le conflit entre les parents et l'incompréhension de l'enfant ressortent de L'Arabe du futur
Une des clés de compréhension réside peut-être dans la présentation qui est faite des familles françaises qui sont éloignées puisque les parents de Brigitte comme de Riad ont fait le choix de vivre loin d'elles.

Du côté de Riad, les grands-parents maternels sont séparés et ils ont conservé des liens avec leur fille qui revient périodiquement vivre chez sa mère en Bretagne au cours des 3 tomes. Du côté de Brigitte, le grand-père maternel remarié a mis sa fille à l'internat après la mort de la mère et la famille ne s'est plus intéressée à elle. D'un côté, la mère de Riad se sent malheureuse en Syrie, désoeuvrée dans un village pauvre qu'elle n'aime pas et avec une belle-famille qu'elle ne comprend pas. De l'autre, la mère de Brigitte est ravie de trouver une belle-famille qui l'adopte.

C'est sans doute une des raisons qui expliquent les impressions très différentes que laissent ces bande-dessinées. A ces deux enfants élevés par des mères au foyer la transmission maternelle semble avoir été radicalement différente. 
De plus, les vies respectives de Riad et de Brigitte se sont épanouies dans des milieux sociaux différents. En Syrie, la famille paternelle de Riad vit dans la pauvreté, alors qu'en Irak, chez Brigitte, les hommes de la famille ont fait des études et vivent comme des bourgeois.
Ce qui semble atteindre les familles aussi c'est l'état de la société qui est grandement dépendante de la situation politique. Ces deux bandes-dessinées traduisent à merveille comment la surveillance, la corruption et l'instrumentalisation de la religion viennent mettre à mal les liens intimes.

De ces récits d'enfance venant d'ailleurs, il reste que certaines scènes auraient pu être vécues en bien d'autres endroits. Ainsi quand Brigitte et son frère s'organisent pour ne pas manger ce que leur mère leur prépare pour le déjeuner ou quand le père de Riad lors d'une réunion de famille hurle sa rage à sa propre mère mais recolle les morceaux à l'occasion de l'absence de son épouse et de ses enfants quelque temps plus tard.

Transmission, contestation, conflit, amour, il s'agit bien d'enfances comme tant d'autres, mais qui comme toutes ne ressemblent à aucune autre non plus.

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