Ma vie d'autiste, de Temple Grandin

Pourquoi lire « Ma vie d’autiste » aujourd’hui ? Qu’attendre de l’autobiographie de Temple Grandin une trentaine d’années après sa parution ?


Alors âgée d’un peu moins de 40 ans, Temple Grandin publie en 1986 aux Etats-Unis son autobiographie. Récit à la première personne de ses bizarreries qui relevaient de sa logique, c’est aussi une source de connaissances pour les lecteurs.

De l’enfance aux premières années d’étude, elle a entendu les autres enfants la traiter de "folledingue", de "nulle obsédée", d'enfant "bizarre"  mais elle a aussi vu sa mère déplacer des montagnes pour trouver des solutions pour elle. Au fil des structures de scolarisation, de la petite enfance à l’université, cette femme devenue ingénieure raconte ses angoisses, son besoin de calme, ses obsessions.

Distance, contention et obsession

Toute petite Temple Grandin peine à entrer en contact. Les câlins de sa mère lui sont presque douloureux. Mais alors qu’elle est enfant et sujette à de nombreuses crises d’angoisse, elle découvre des énigmes qu’elle transforme rapidement en obsessions. Lors d’un séjour estival dans le ranch de sa tante, la découverte d’une machine servant à tatouer et castrer les animaux suscite sa curiosité. Elle perçoit dans le mécanisme quelque chose qui l’attire. D’expérimentations en lectures, elle en vient à imaginer, dessiner puis construire une machine de contention à même de calmer ses angoisses par une pression sur laquelle elle peut agir, la fameuse "machine à câlins". C’est alors que son autobiographie se focalise sur ces machines construites et améliorées au fur et à mesure du temps. Le lecteur en est envahi au cours des pages, la machine - véritable obsession dont elle fit son métier puisqu’elle est devenue conceptrice d'équipement de traitement de bétail et experte mondiale - devient le centre du récit et ne cesse de revenir au fil des pages. L’autrice fait donc vivre à ses lecteurs ce que fut cette obsession. Et la lassitude qui pointe parfois devant le récit maintes fois recommencé des bienfaits de cette machine fait entrevoir le caractère structurant de cette obsession pour elle mais aussi ce qu’il faut de patience à l’entourage d’une personne autiste pour accepter ce rapport au monde. C'est une des raisons qui fait de son témoignage un livre toujours essentiel.

Qu’une personne autiste prenne la parole pour rendre compte de sa singularité est toujours aussi précieux. La bande dessinée La différence invisible de Mademoiselle Caroline et Julie Dachez parue récemment s’inscrit d’ailleurs dans ce courant, témoignant ainsi d’un désir de visibilité qui ne s’est pas tari.

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