Cher corps - Léa Bordier

Douze histoires de corps féminins. 
Douze illustratrices pour raconter l'intime que leur livre une femme.

Léa Bordier (dir.), Cher corps, édition Delcourt/ Mirages

Injonction au corps parfait, irruption – parfois très précoce – de la puberté, manifestations somatiques aussi brutales qu'inexpliquées quand elles surviennent, combats féministes, il y a quelque chose de profondément positif à lire ces parcours bouleversés de femmes qui ont réussi à laisser derrière elles ces moments.
Le point commun de ces récits réside dans le parcours chaotique de chacune, dont elles sont ressorties quelque temps plus tard. Ainsi, se dégage à la lecture l'impression étrange qu'un événement - dramatique, compliqué, étonnant – que cet événement une fois passé vient résoudre la question du corps.

Léa Bordier l'explique dans la préface, elle aurait aimé avoir connaissance de ces témoignages à l'époque de son adolescence lorsque tout lui semblait "insurmontable". Et il est vrai que la transmission de cet intime-là est primordial parce qu'elle fait souvent défaut entre les générations dans le cadre familial, notamment car elle est souvent perçue comme trop intrusive, trop crue quand elle est dite de mère à fille par exemple.
Pourtant, la lecture laisse une impression d'inachevé par la répétition du même schéma narratif. Il pourrait se résumer ainsi « J'ai vécu quelque chose de difficile, mais je m'en suis sortie donc c'est possible pour vous ». Or, il y a une limite importante à ce type de discours. Il a peu de prise sur une personne complexée ou traumatisée. Elle peut d'ailleurs le comprendre très bien d'un point de vue intellectuel mais ne pas le symboliser ni percevoir ce qu'elle peut en faire pour elle-même. De la même manière que ne pas avoir de complexe sur son corps ne garantit pas de réussir à le faire exister car il s'agit de quelque chose de beaucoup plus intime. De plus, un moment de crise qui est surmonté ne vient pas résoudre toutes les questions puisque cela se rejoue régulièrement.


En cela, la dernière histoire racontée, celle de Mai, illustrée par Lucile Gomez, apporte un pas de côté nécessaire en ouvrant à l'exploration de soi « qui peut prendre une vie ».

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