Hartmut Rosa, la résonance et la psychanalyse

 Hartmut Rosa, la résonance et la psychanalyse

Le penseur allemand de l’accélération et de ses effets psychiques a donné récemment une interview au journal Le Monde à l’occasion de la publication en France de son dernier livre Pourquoi la démocratie a besoin de la religion.

Capture d'écran de l'interview d'Hartmut Rosa disponible ici

Il y revient sur ce qu’il nomme l’accélération des sociétés actuelles, à savoir qu’elles sont vouées à accélérer pour maintenir leur équilibre qu’il appelle « la stabilisation dynamique ». Paradoxalement, les sociétés en viennent à perdre le sens du mouvement puisqu’il est là comme une agitation et non comme une respiration. L’accélération prend aussi bien la forme de la destruction du vivant que de la production toujours plus importante d’objets toujours plus puissants et imprime un rythme effréné de vie pour les individus. Hartmut Rosa en pointe donc les effets mortifères pour les individus et les sociétés.

Sans faire pour autant l’éloge de la lenteur, il pointe surtout l’effet aliénant de l’accélération. Il vante donc plutôt l'idée de résonance « qui intervient quand nous entrons en relation avec quelque chose que nous ne maîtrisons pas parce que nous ne pouvons le posséder. » C'est « une sorte de réactivité, d’écoute et de réponse, qui rompt totalement avec le mode agressif de conquête et de possession. La résonance ouvre ainsi à un mode d’existence différent. » Alors que le capitalisme offre des perspectives sans limite, comme condition même de son existence, il rappelle que certains peuples autochtones d'Amérique latine ou des sociétés marquées par le bouddhisme ont maintenu des forces de résonance. Dans les sociétés d'Europe notamment, il voit dans la spiritualité une « promesse de résonance verticale » qui permet aux individus de sortir de l'agressivité envers soi, les autres et la nature, tout comme l'intérêt pour l'astrologie qui renvoie l'individu à des forces qui le décentrent de son agressivité.


Une résonance sans spiritualité est-elle possible ?
Syracuse - Basilique-sanctuaire de la Vierge des Larmes - Août 2018
Photo : Caroline Bernard

Cette interview offre donc beaucoup à penser dans la mesure où chacun fait l'expérience de l'accélération dans son quotidien et que la résonance avec l'autre est une quête qui occupe beaucoup d'individus cherchant à sortir du collage au désir de l'autre pour les uns ou de l'agressivité comme seule réponse pour les autres par exemple. Il me semble pourtant qu'elle occulte une pratique largement installée en Europe et qui par la recherche qu'elle permet à l'individu lui ouvre des perspectives de résonance. La psychanalyse, par l'expérience du divan, du transfert et de l'interprétation, met l'individu face à ses contradictions et lui ouvre la possibilité - la saisira-t-il ? - de sortir des injonctions et de construire sa propre subjectivité. S'entendre dire ce qu'on a du mal à admettre en soi, prendre conscience de « l'inquiétante étrangeté » à l'oeuvre dans notre existence a alors un effet de vérité qui peut faire entrer en résonance avec le monde. Adossé au silence et à l'interprétation de l'analyste, la cure analytique peut alors devenir pour le sujet le creuset d'une résonance au monde qui extrait de l'agitation du quotidien, de la réponse mécanique à l'autre et de l'accélération mortifère.

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