Freud, réflexion autour de la haine et de l'amour

« L’analyse a permis de découvrir les trajets d’association, soit importants au point de vue du contenu, soit accidentels, suivant lesquels s’est effectué ce déplacement. La haine née de la rivalité avec le père n’a pas pu se développer librement dans la vie psychique de l’enfant, parce qu’elle était neutralisée par la tendresse et l’admiration qu’il avait toujours éprouvées pour la même personne ; il en résulta pour l’enfant un attitude équivoque, ambivalente, à l’égard du père, une lutte à laquelle il a échappé en déplaçant ses sentiments d’hostilité et de crainte sur un objet de substitution. Toutefois ce déplacement est impuissant à résoudre le conflit en opérant une séparation nette entre les sentiments tendres et les sentiments hostiles. Le conflit se poursuit après le déplacement, et l’attitude ambivalente persiste, mais cette fois à l’égard de l’objet de substitution. Il est certain que le petit Hans ne craint pas seulement les chevaux, mais est plein aussi pour eux de respect et leur porte le plus vif intérêt. Dès que sa crainte s’est apaisée, il s’est identifié lui-même avec l’animal redouté, en se mettant à sauter comme un cheval et à mordre lui-même son père. Dans une autre phase de relâchement de la phobie, il identifie volontiers ses parents avec d’autres grands animaux. »


« Nous avons souvent eu l’occasion de montrer que l’ambivalence affective, au sens propre du mot, c'est-à-dire un mélange de haine et d’amour pour le même objet, se trouve à la racine d’un grand nombre de formations sociales. Nous ignorons totalement les origines de cette ambivalence. On peut supposer qu’elle constitue le phénomène fondamental de notre vie affective. Mais il est également possible qu’étrangère au début de la vie affective, elle n’ait été acquise par l’humanité qu’à la faveur du complexe paternel, dans lequel, d’après ce que nous enseigne la psychanalyse, elle trouve encore aujourd’hui sa plus haute expression. »

Sigmund Freud, Totem et tabou, 1912-1913.

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