La place des femmes dans la psychanalyse - Liliane Fainsilber

Symptôme et hallucinations


Le noeud du symptôme

"Cette "source du langage" repérée par l'intuition de Freud, cette première Etrangère, intervient donc comme un troisième terme nécessaire entre d'une part le symbolisme et d'autre part la complaisance somatique de l'hystérique. Ils réussissent ainsi, à eux trois, l'exploit de former le symptôme.
Nous retrouvons donc, même si c'est dans un effet d'après-coup, au noeud même de la formation du symptôme, les trois registres spécifiés par Lacan qui sont ceux du symbolique, de l'imaginaire et du réel :
- Le réel, comme cette source du langage, point de mystère.
- Le symbolisme, sous la forme de toutes ces locutions verbales qui donnent au sujet l'occasion ou le prétexte pour former le symptôme.
- L'imaginaire du corps qui fait don au symptôme de sa complaisance, qui lui prête ses organes ou ses appendices.
Voici le schéma de ces sources communes du langage et du symptôme tel qu'il se déduit du texte de Freud.

Quand ce sont les hystériques et non pas les psychotiques qui souffrent de terrifiantes hallucinations

Cécilia était hantée sans doute les nuits de pleine lune par des images de diables et de sorcières. Emmy voyait surgir au détour des chemins des bêtes hideuses, rats, souris, serpents ou crapauds. Mais les plus spectaculaires de ces hallucinations hystériques sont incontestablement celles d'Anna O. telles qu'elles ont été décrites par Breuer. Alors qu'elle veillait son père malade, Anna "tomba dans un état de rêverie, et aperçut, comme sortant du mur, un serpent noir qui avançait vers le malade pour le mordre... Elle voulut mettre en fuite l'animal, mais resta comme paralysée, le bras droit endormi... En regardant ce bras, elle vit ses doigts se transformer en petits serpents à tête de mort".
Au cours d'une autre de ses hallucinations, elle vit que c'était son père lui-même qui avait une tête de mort. Cette vision avait surgit une première fois, quand un jour, elle avait rendu visite à l'une de ses tantes : "Elle avait aperçu dans la glace posée en face de la porte, un visage blême, non pas le sien, mais celui de son père, avec une tête de mort".
Breuer, dont Anna était la patiente, n'avait fait aucune tentative pour interpréter ses hallucinations. Il s'était contenté de faire resurgir l'affect qui avait accompagné chacune de ses représentations. C'est Lacan qui en a donné une interprétation dans l'après-coup en prenant appui sur ce qu'écrivait Jones, à propos du serpent, sur le fait qu'il était un symbole du phallus. Tout en confirmant ce repérage il ajoute qu'il est certes symbole du phallus mais du phallus manquant et que de plus il n'est pas facile de savoir à qui il appartient. "... ce serpent n'est pas un symbole de la libido... Ce serpent n'est pas non plus, comme le professe Jones, le symbole du pénis, mais de la place où il manque".
Mort du père ou la sienne. Phallus du père ou le sien. Ces hallucinations d'Anna surviennent au moment même où défaille, pour elle, la métaphore paternelle et où elle se trouve dans un état de très grande détresse, au moment où il s'agit pour elle d'affronter la mort réelle de son père.
Par ces deux hallucinations, celle des serpents et celle du père mort, nous voyons surgir les deux termes qui constituent la métaphore paternelle telle que Lacan l'a explicitement posée dans les "Ecrits". C'est un fait admis que la fonction du Nom-du-père mise en place par sa mort mythique instaure la loi de l'interdit de l'inceste. Mais ce qui est bien moins repéré c'est le fait que cette fonction du père symbolique dégage aussi, par contre-coup, au niveau de l'imaginaire, la signification du phallus telle que Lacan l'a énoncée comme faisant dépendre, dans un premier temps, l'émergence du désir du sujet du désir de la mère. C'est en effet sur ce désir de la mère que l'être humain prend appui avant de pouvoir s'en dégager, s'en échapper et forger ainsi son propre désir par l'intervention bénéfique de cette même fonction du père.
Voici l'écriture que Lacan en propose, à partir de la formule même de la métaphore ou de "la substitution signifiante" :
"

Liliane Fainsilber, La place des femmes dans la psychanalyse, 1999, p. 22-24.



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