Melanie Klein : Deuil et dépression

Objets

"Le redoublement d'amour pour les objets bons et réels s'accompagne chez le sujet d'une plus grande confiance dans son aptitude à aimer et d'un affaiblissement de l'angoisse paranoïde devant les mauvais objets ; ces changements entraînent la décrue du sadisme et, par suite, le recours à de meilleurs moyens pour maîtriser l'angoisse et pour l'éliminer. Les tendances à la réparation ont un rôle essentiel dans le processus normal qui consiste à surmonter la position dépressive infantile ; elles sont mises à l'oeuvre par diverses méthodes, dont je ne citerai que les deux plus importantes : les mécanismes et les défenses maniaques d'une part, obsessionnels de l'autre.
Il apparaît que le passage de l'introjection d'objets partiels à celle d'objets d'amour complets, avec tout ce qu'il implique, constitue, pour le développement, un moment d'une importance cruciale. Le succès de ce passage, il est vrai, dépend largement de la manière dont le moi a pu traiter son sadisme et son angoisse pendant le stade précédent, et du fait qu'il a, ou qu'il n'a pas établi une relation libidinale solide avec les objets partiels. Mais une fois qu'il a fait ce pas, le moi semble arrivé à un carrefour d'où rayonnement plusieurs routes ; du choix d'une de ces routes dépend la constitution psychique tout entière.
J'ai déjà examiné assez longuement pourquoi le fait de ne pouvoir maintenir l'identification avec les objets d'amour réels ou intériorisés peut aboutir à des troubles psychotiques tels que les états dépressifs, la manie ou la paranoïa.
Je citerai maintenant quelques autres moyens que le moi tente d'utiliser pour mettre fin à toutes les souffrances nées de la position dépressive ; ce sont :
(a) la "fuite vers le "bon" objet intériorisé", mécanisme sur lequel Melitta Schmideberg attira l'attention à propos de la schizophrénie. Le moi a intériorisé un objet d'amour complet, mais sa peur excessive des persécuteurs intérieurs projetés sur le monde extérieur le pousse à chercher refuge auprès d'une confiance immodérée dans la bienveillance de ses objets intériorisés. Une telle fuite peut aboutir à la négation de la réalité psychique comme de la réalité extérieure, et à la psychose la plus profonde ;
(b) la fuite vers le "bon" objet extérieur, moyen d'invalider toutes les angoisses, qu'elles soient intérieures ou extérieures. Il s'agit là d'un mécanisme caractéristique de la névrose ; il peut aboutir à une dépendance servile à l'égard des objets et à la faiblesse du moi.
Ces mécanismes de défense, je l'ai déjà indiqué, jouent un rôle dans l'élaboration normale de la position dépressive infantile. L'échec dans l'élaboration de cette position peut entraîner la prédominance de l'un ou l'autre des mécanismes de fuite dont j'ai parlé ; il peut entraîner par conséquent une psychose grave ou une névrose."
Melanie Klein, Deuil et dépression, 1947, p. 71-73.

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