Obsessions. Pierre-Henri Castel relit Pierre Janet.

"Quelles que soient les obsessions, Janet signale que, malgré les apparences, les obsédés les aiment. Les sujets prétendent qu'ils ne peuvent lutter. Mais en même temps, ils ne cessent de tester si elles sont toujours là : ils se tentent eux-mêmes pour voir si... Le conflit intérieur n'est donc, pour Janet, qu'un faux-semblant : "ils ont des manies de lutter désespérément contre des impulsions qu'ils inventent". Janet évite pour cette raison de parler d'"obsession de..." et il préfère la formule "manie de..." (de la saleté, de la précision, etc.) sur le modèle de celle que Charcot et Valentin Magnan avaient isolée, la manie des noms : l'onomatomanie, ou des nombres, l'arithmomanie (de Julius Donath). L'obsession échoue, en fait, à être si obsédante que cela. Les images restent toujours un degré en deçà de l'hallucination franche, ce qui les distinguent de l'"idée fixe" hystérique. Les compulsions s'arrêtent  un cran en deçà de la véritable impulsion. Janet signale que cette quête de certitude dans le symptôme lui-même, cet effort pour vérifier s'il existe vraiment, l'obsédé l'imagine toujours pire qu'il n'est. C'est le "jeu des combles" : il n'y a pas de limite aux horreurs auxquelles il se sent porter pour faire exister ce dont il n'est jamais sûr.
Ces obsessions sont en même temps des théories plus ou moins naïves, plus ou moins sophistiquées, mais jamais exemptes d'une vérité psychologique qui étonne l'observateur. En effet, ce sont les interprétations, au niveau conscient, de déficits psychiques d'une finesse de grain normalement inaccessible à la conscience, et, de plus, des interprétations guidées par la logique absurde des "manies mentales". Il ne faut par conséquent pas prendre au pied de la lettre les déclarations subjectives des malades : ce serait confondre leurs symptômes avec ce qu'ils en croient et ce qu'ils en imaginent."
Pierre-Henri Castel, Âmes scrupuleuses, vies d'angoisse, tristes obsédés. Obsessions et contrainte intérieure de l'Antiquité à Freud, 2011, p. 339-340.

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